Depuis plusieurs années mon processus créatif est basé sur une exploration sensible : il questionne les rapports et influences réciproques qui peuvent exister entre l’espace et le corps, à travers la notion de l’empreinte. ESPACE _ CORPS _ EMPREINTE Tout d'abord il y a l'ESPACE. Ce peut être une chambre, un bâtiment, une place, une ville, un paysage, la Terre. L’espace est omniprésent, il nous oppresse ou nous libère. Ensuite il y a le CORPS. Les corps, vos corps, le mien. L’Homme d'aujourd'hui, d'hier et de demain, qui vit l'espace, l'habite, le construit puis le détruit et recommence. Et pour finir il y a l'EMPREINTE. Celle que nous produisons et qui nous imprègne chaque jour. L'empreinte c'est ce qui se trouve exactement entre le corps et l'espace. C'est l'impact que nous avons en tant qu'individu sur notre environnement. C'est la trace visible ou non, que nous laissons de notre passage, comme témoignage ou mémoire d'un moment passé. Mais l'empreinte c'est aussi l'impact que l'environnement, façonné par l’homme, peut avoir sur nous et comment les lieux que nous traversons marquent nos corps et nos esprits.
En tant qu’architecte, je mets ma culture spatiale au service d’une expression artistique à la fois personnelle et collective. Je vois dans mon travail de recherche et d’exploration plastique une manière d’interroger le monde qui nous entoure et son fonctionnement en lien avec ses habitants. Ma pratique instaure une certaine porosité entre plusieurs arts et permet une transversalité entre différentes pratiques : croquis, écriture, danse, peinture en mouvement, architecture, maquettes, mise en scène, scénographie... Mon travail artistique mêle performance, installation et peinture sur grands formats. Ces trois aspects sont complémentaires et indissociables dans ma pratique.
La performance artistique nécessite un réel engagement du corps dans la création. Pina Bausch disait : « Il y a un moment où les mots s’arrêtent et où tout devient langage ». Le corps a son langage propre et son mouvement forme un dessin éphémère dans l’espace. Les performances picturales et dansées que je propose sont l’expression d’un acte à la fois créateur et libérateur. L’exercice de la performance signifie aussi prendre des risques, car l’artiste se met en danger, s’expose en donnant un peu de lui-même aux spectateurs. Comme j’envisage l’art de façon collective, j’invite régulièrement d’autres artistes à entrer dans mon univers créatif. J’utilise leurs corps et le mien comme outils d’expression graphique dans l’espace. J’incite également l’habitant, le passant, le spectateur à devenir acteur et à prendre part à la création artistique comme moment de vie partagé. Ces expérimentations collectives aboutissent à des œuvres en trois dimensions, à la fois vivantes et éphémères. Le cheminement a une place centrale dans mon travail. Le processus de création a plus d’importance à mes yeux que le résultat final. À préférer la palette au tableau, les coulures à l’aplat, le mouvement au statique, mes réalisations se sont focalisées sur l’éphémère. Sur l’instant qui passe et qui disparait, sur le souvenir ou l’empreinte qui s’efface avec le temps. Chaque performance est unique et ne peut être rejouée à l’identique. L’histoire et les gestes sont continuellement influencés par le contexte, les lieux, le temps...
Mon travail d’installation est étroitement lié à ma pratique de la performance. J’utilise de grandes structures cubiques en métal, modulables et démontables, que je positionne dans les lieux d’intervention et sur lesquels je tends de grandes toiles blanches. Ces espaces tridimensionnels me permettent l’immersion artistique et sont mes outils scénographiques et de mise en scène. Ils délimitent mes espaces de création, cadrent le paysage et me servent également de chevalets en trois dimensions dans lesquels je peins avec mon corps et celui des autres. La légèreté de ces structures nous permet de basculer ces cubes dans l’espace afin de positionner les toiles sur les côtés, au sol et au plafond, changeant ainsi la perspective et le point de vue sur l’œuvre en cours. Ces grands cadres sont des lieux de rencontre, de création et d’expression collective où le « lâcher-prise » artistique est autorisé. Les installations en mutation que je propose sont à la fois mouvantes et éphémères. Dans ces espaces naissent des histoires et viennent éclore des émotions.
Ma pratique picturale, quant à elle, est toujours rattachée à un projet de recherche-création et est liée soit à un lieu, à une œuvre (graphique, musicale,...), à un contexte ou à une thématique me servant de source d’inspiration. Au départ à travers la prise de notes graphiques sur petits formats (croquis, aquarelles, représentations réalistes) mon travail vient tendre ensuite vers une forme d’abstraction du réel sur très grands formats. Je cherche à travers ma pratique de la peinture à épurer les lignes et à aller à l’essentiel. Puis je me laisse guider et surprendre par l’instant et la matière à travers un rapport intuitif. Dans un état de transe artistique je joue avec les ombres et la lumière sur la toile, mon corps en immersion dans l’espace pictural, mon esprit captivé par le mouvement peint et par les coulures et ramifications qui continuent à vivre sur le tissu au-delà du geste. La peinture traverse la toile et permet aux mouvements de transparaitre de l’autre côté donnant à la création une lecture recto-verso. Ces œuvres naissent de moments vécus, de mouvements, de surprises et d’explorations graphiques individuelles et collectives. Ces toiles réalisées à l’intérieur de mes structures cubiques, souvent en direct et lors de performances artistiques, deviennent ensuite les « empreintes » d’un moment passé. Je les suspends pour finir dans l’espace (en intérieur comme en extérieur) pour les mettre en rapport avec les lieux d’intervention dans lesquels elles ont été créées. La peinture « in-situ » fait partie intégrante de ma démarche, les lieux que je traverse représentant pour moi une véritable source d’inspiration. La suspension des toiles permet leur mouvement libre dans l’espace et leur aspect translucide rend la lecture des deux faces intéressantes. Elles deviennent des objets mouvants autour desquels les spectateurs gravitent pour observer à leurs surfaces les nuances des pigments ainsi que le jeu des ombres, de la lumière et du vent.