DÉMARCHE


Depuis plusieurs années, le processus créatif de Carole Nieder est basé sur une exploration sensible : il questionne les rapports et influences réciproques qui peuvent exister entre l’espace et le corps, à travers la notion de l’empreinte. Tout d'abord il y a l'ESPACE. Ce peut être une chambre, un bâtiment, une place, une ville, un paysage, la Terre. L’espace est omniprésent, il nous oppresse ou nous libère. Ensuite il y a le CORPS. Les corps, vos corps, le sien. L’Homme d'aujourd'hui, d'hier et de demain, qui vit l'espace, l'habite, le construit puis le détruit et recommence. Et pour finir il y a l'EMPREINTE. Celle que nous produisons et qui nous imprègne chaque jour. L'empreinte c'est ce qui se trouve exactement entre le corps et l'espace. C'est l'impact que nous avons en tant qu'individu sur notre environnement. C'est la trace visible ou non, que nous laissons de notre passage, comme témoignage ou mémoire d'un moment passé. Mais l'empreinte c'est aussi l'impact que l'environnement, façonné par l’homme, peut avoir sur nous et comment les lieux que nous traversons marquent nos corps et nos esprits.

En tant qu’architecte


Elle met sa culture spatiale au service d’une expression artistique à la fois personnelle et collective. Elle voit dans son travail de recherche et d’exploration plastique une manière d’interroger le monde qui nous entoure et son fonctionnement en lien avec ses habitants. Sa pratique instaure une certaine porosité entre plusieurs arts et permet une transversalité entre différentes pratiques : croquis, écriture, danse, peinture en mouvement, architecture, maquettes, mise en scène, scénographie... Son travail artistique mêle performance, installation et peinture sur grands formats. Ces trois aspects sont complémentaires et indissociables dans sa pratique.

La performance artistique


La performance artistique nécessite un réel engagement du corps dans la création. Pina Bausch disait : « Il y a un moment où les mots s’arrêtent et où tout devient langage ». Le corps a son langage propre et son mouvement forme un dessin éphémère dans l’espace. Les performances picturales et dansées qu’elle propose sont l’expression d’un acte à la fois créateur et libérateur. L’exercice de la performance signifie aussi prendre des risques, car l’artiste se met en danger, s’expose en donnant un peu de lui-même aux spectateurs. Comme elle envisage l’art de façon collective, Carole invite régulièrement d’autres artistes à entrer dans son univers créatif. Elle utilise leurs corps et le sien comme outils d’expression graphique dans l’espace. Elle incite également l’habitant, le passant, le spectateur à devenir acteur et à prendre part à la création artistique comme moment de vie partagé. Ces expérimentations collectives aboutissent à des œuvres en trois dimensions, à la fois vivantes et éphémères. Le cheminement a une place centrale dans son travail. Le processus de création a plus d’importance à ses yeux que le résultat final. À préférer la palette au tableau, les coulures à l’aplat, le mouvement au statique, ses réalisations se sont focalisées sur l’éphémère. Sur l’instant qui passe et qui disparait, sur le souvenir ou l’empreinte qui s’efface avec le temps. Chaque performance est unique et ne peut être rejouée à l’identique. L’histoire et les gestes sont continuellement influencés par le contexte, les lieux, le temps...

Son travail d’installation


Son travail d’installation est étroitement lié à sa pratique de la performance. Elle utilise de grandes structures cubiques en métal, modulables et démontables, qu’elle positionne dans les lieux d’intervention et sur lesquels elle tend de grandes toiles blanches. Ces espaces tridimensionnels lui permettent l’immersion artistique et sont ses outils scénographiques et de mise en scène. Ils délimitent ses espaces de création, cadrent le paysage et lui servent également de chevalets en trois dimensions dans lesquels elle peint avec son corps et celui des autres. La légèreté de ces structures permet de basculer ces cubes dans l’espace afin de positionner les toiles sur les côtés, au sol et au plafond, changeant ainsi la perspective et le point de vue sur l’œuvre en cours. Ces grands cadres sont des lieux de rencontre, de création et d’expression collective où le « lâcher-prise » artistique est autorisé. Les installations en mutation qu’elle propose sont à la fois mouvantes et éphémères. Dans ces espaces naissent des histoires et viennent éclore des émotions.

Sa pratique picturale


Sa pratique picturale, quant à elle, est toujours rattachée à un projet de recherche-création et est liée soit à un lieu, à une œuvre (graphique, musicale,...), à un contexte ou à une thématique lui servant de source d’inspiration. Au départ à travers la prise de notes graphiques sur petits formats (croquis, aquarelles, représentations réalistes) son travail vient tendre ensuite vers une forme d’abstraction du réel sur très grands formats. Elle cherche à travers sa pratique de la peinture à épurer les lignes et à aller à l’essentiel. Puis elle se laisse guider et surprendre par l’instant et la matière à travers un rapport intuitif. Dans un état de transe artistique elle joue avec les ombres et la lumière sur la toile, son corps en immersion dans l’espace pictural, son esprit captivé par le mouvement peint et par les coulures et ramifications qui continuent à vivre sur le tissu au-delà du geste. La peinture traverse la toile et permet aux mouvements de transparaitre de l’autre côté donnant à la création une lecture recto-verso. Ces œuvres naissent de moments vécus, de mouvements, de surprises et d’explorations graphiques individuelles et collectives. Ces toiles réalisées à l’intérieur de ses structures cubiques, souvent en direct et lors de performances artistiques, deviennent ensuite les « empreintes » d’un moment passé. Elle les suspend pour finir dans l’espace (en intérieur comme en extérieur) pour les mettre en rapport avec les lieux d’intervention dans lesquels elles ont été créées. La peinture « in-situ » fait partie intégrante de sa démarche, les lieux qu’elle traverse représentant une véritable source d’inspiration. La suspension des toiles permet leur mouvement libre dans l’espace et leur aspect translucide rend la lecture des deux faces intéressantes. Elles deviennent des objets mouvants autour desquels les spectateurs gravitent pour observer à leurs surfaces les nuances des pigments ainsi que le jeu des ombres, de la lumière et du vent.