
DANS LES TRACES DU CHEVAL
Carole Nieder en collaboration avec les premières Bac pro CGEH (Conduite et Gestion de l'Entreprise Hippique) à l'EPL Agro de Meuse, au pôle équestre de Belleray (Verdun)Entre Humain et Animal …
Dans chaque ferme que l’on traverse, vaches, moutons, chèvres, chevaux, poules, chiens,… font partie du quotidien agricole. Pour la dernière année du projet Culture(s), Carole Nieder, accompagnée d’éleveurs locaux de différentes générations, s’est donnée comme objectif d’explorer les liens qui existent depuis toujours entre l’animal et l’humain.
L’acte III du projet démarre par une collaboration artistique avec les élèves de BAC PRO « Conduite et Gestion de l’Entreprise Hippique » de l’EPL Agro de la Meuse (enseignement agricole) au pôle équestre de Belleray. Il s’agit d’explorer graphiquement le mouvement des chevaux et notre rapport à cet animal, qui avant l’invention du tracteur, avait une place centrale dans les exploitations agricoles locales.
... Dans les traces du cheval
Un fer à cheval retrouvé par hasard dans un champ. La rencontre de Simone Lanher, agricultrice de 86 ans. L’histoire de son travail dans la ferme familiale, avec les chevaux et avant l’arrivée du « machinisme agricole ». Ce sont les points de départ d’un nouveau questionnement. Quel a été le rôle du cheval dans notre société et dans le monde rural à travers les âges ? Quelle place lui donne-t-on aujourd’hui ? Quels sont les rapports et influences réciproques qui existent entre Homme et Cheval ? Afin de retranscrire cette relation à travers une expression picturale, Carole Nieder est allée à la rencontre d’élèves qui suivent une partie de leur cursus au sein du pôle équestre de Belleray.
Il s’agissait dans un premier temps d’analyser leur quotidien et de prendre part aux activités des étudiantes cavalières. Etudier, à travers le croquis, le lien qui les unit aux chevaux. Observer les gestes de soin prodigués à l’animal, le pansage, le ferrage,… et cette complicité qui se crée dès l’entrée dans le box. Comprendre cette forme d’amitié et de confiance mutuelle. Puis suivre le passage du box intimiste, au manège spacieux, femme et animal, côte à côte. Admirer ensuite la cavalière se métamorphoser, grandir, acquérir une prestance, droite et solennelle sur son cheval. Contempler ce duo former un tout à l’image du « centaure ». Regarder avec fascination la mise en mouvement du manège, les allures, le dressage, les sauts,… douceur, rigueur et rythme.
Accompagnée des élèves cavalières, l’artiste a également poussé les portes de la forge pour s’imprégner d’une atmosphère différente mais complémentaire : martèlement, sueur, chaleur, flammes, métal chauffé à blanc, précision du geste… la maréchalerie a sa propre musique. Puis vient le moment du ferrage, une pratique qui nécessite à la fois force et douceur mais également une confiance partagée entre le maréchal-ferrant et le cheval.
La première phase d’analyse et d’observation a ensuite laissé place à l’expérimentation picturale grand format. L’objectif était de retranscrire avec justesse et simplicité le quotidien du pôle équestre et le rapport Humain-Cheval sur la toile.
Les œuvres réalisées révèlent trois axes de recherches :
I - Le mouvement des chevaux : Il s’agit de figer en peinture rythmes et allures. Le pas, le trot, le galop laissent à chaque fois une empreinte différente sur la toile. Les sauts et déplacements latéraux également. Ici le sabot devient pinceau dans l’espace et la trace laissée renferme « une forme de vérité du geste » permettant une compréhension à la fois artistique et scientifique du mouvement de l’animal : à la fois sensible et puissant.
II - les soins : Il s’agit ici de retranscrire les mouvements du pansage quotidien. Cure-pied, étrille, brosse dure et douce, éponge mais aussi mains et bottes du soigneur se transforment en pinceaux. L’affection, la tendresse et les caresses imprègnent la toile. Sables, paille et goudron de Norvège viennent s’associer aux pigments picturaux.
« Mon objectif lors de mes expérimentations picturales est d’atteindre une forme de simplicité, de sobriété mais aussi une certaine « vérité du geste ». Représenter le cheval ne m’intéresse pas, je préfère retranscrire son mouvement, sa force et toucher du doigt ce qui fait l’essence même de l’animal et de son rapport à l’Homme ». CN
III - la maréchalerie : Ici les cavalières, accompagnées de l’artiste, ont tenté de représenter par mimétisme le travail observé dans la forge. On décèle sur trois toiles les mouvements et outils du maréchal-ferrant. De la main aux sabots, on observe les différentes étapes du forgeage d’un fer, de la bande de métal au pied du cheval. Chaque empreinte est unique par le fer employé, le mouvement appliqué. La sueur et le feu sont retranscrits sur la toile jusqu’à la représentation de la forge à charbon elle-même, fournaise où l’on vient chauffer le fer pour le rendre plus malléable et lui donner la bonne tournure.
« Cette première approche de la maréchalerie n’est qu’un point de départ à une réflexion plus large qui ne pourra se faire qu’avec l’aide des maréchaux-ferrants eux-mêmes de manière à atteindre une certaine justesse ou authenticité picturale. Peindre avec le métal et le feu ? Pourquoi pas ! » CN
Une exposition qui voyage :
L’exposition « Dans les traces du cheval » va occuper deux lieux sur l’année 2025 :
- Le pôle équestre de Belleray (Verdun) de février à mai. La mise en scène des toiles suspendues à la tribune du manège permet deux échelles de lecture : du détail au global. La Tribune ne révèle au visiteur qu’une partie de l’œuvre picturale saisissable dans son ensemble uniquement depuis le manège, et de préférence, en selle.
- La ferme familiale Du Sart à Fresnois (Montmédy), pendant toute la période estivale. Installées dans l’étable des charolaises et non loin des chevaux de trait du voisin, les empreintes suspendues au cœur de la ferme rendent hommage à la place du cheval dans le monde agricole. Avec un peu d’imagination on peut entendre l’impact des sabots sur la toile raisonner dans l’espace comme un vieux souvenir… Les traces des chevaux sont exposées là, pour Simone Lanher, qui a tant aimé travailler ici avec eux..
Pour observer le résultat, rendez-vous début février aux portes ouvertes de l'EPL Agro de Belleray et cet été dans les exploitations du Pays de Montmédy.
Photographies : Jean-François Zante et Léa Didier